Seraphina est le premier roman d'un dyptique de fantasy young adult, malheureusement pas encore publié en France (j'espère que ce sera le cas un jour), que j'ai découvert à l'occasion du challenge "Mois de la fantasy 2020". Je cherchais un roman de fantasy dont la musique a une place importante, et je suis tombée sur celui-ci. Le fait qu'il ne soit disponible qu'en vo (enfin non, il existe apparemment aussi en allemand et espagnol, mais pas en français) m'a un peu fait peur, mais c'était justement pour moi l'occasion de me lancer dans la lecture de romans en anglais (j'avais déjà commencé un peu avant avec une romance que j'avais déjà lue en français, donc c'était plus facile). Malgré quelques difficultés, notamment parce qu'en fantasy on a pas mal de termes inventés en rapport avec l'univers créé par l'auteur, la lecture n'a pas été trop compliquée. Et je suis contente de ne pas avoir abandonné l'idée de lire ce roman en vo, car ça a été pour moi une bonne surprise.
Bon déjà, je vais présenter un peu l'univers dans lequel se déroule l'histoire. Nous avons tout d'abord Goredd, Samsam et Ninys, trois royaumes qui constituent The Southlands (les Terres du Sud). Au nord de ces royaumes s'étendent les terres montagneuses nommées Tanamoot, qui appartiennent aux dragons. Goredd, longeant la frontière de Tanamoot, servait de lieux de chasse des dragons, jusqu'au jour où un Traité de paix fut signé entre eux et les goreddis (habitants de Goredd) : les dragons n'ont plus le droit de garder leur apparence draconique dans le royaume de Goredd et prennent alors leur apparence humaine (saarantras) quand ils s'y rendent, ils ne doivent également plus tuer d'humains, et inversement la dracomachie (art de tuer les dragons) est bannie de Goredd.
Ayant un esprit extrêmement rationnel, les dragons sont doués dans tout ce qui touche à la logique, aussi certains viennent-ils à Goredd pour y enseigner (les mathématiques, par exemple). A contrario, ils sont incapables de produire tout ce qui relève de l'artistique, ce qui les fascine tellement chez les humains, capables de créations magnifiques. La rationalité étant très importante pour eux, ils ne peuvent ressentir d'émotions, qu'ils considèrent comme une sorte de menace pour leur espèce. Aussi toute relation intime avec un humain est-elle interdite, et si un dragon commence à ressentir des émotions, il est renvoyé à Tanamoot, où sa mémoire sera altérée afin de "corriger" le problème.
Les humains, de leur côté, ont tout un panel de dieux et de Saints. Les Saints, ici, ont une histoire particulière : autrefois (il y a plusieurs centaines d'années) les hommes étaient païens, puis les Saints sont arrivés, leur apprenant l'existence du Paradis ("Heaven") grâce à leur lumière sainte et à leur sagesse. Ce sont eux qui ont créé la dracomachie, aidant ainsi les humains à tuer les dragons. Ainsi ces Saints ont pris une place particulièrement importante dans l'histoire des hommes, qui se sont mis à les vénérer même après leur mort, modifiant totalement leur religion.
Quand l'histoire commence, cela fait quarante ans que le Traité de paix entre les humains et les dragons a été signé. Malgré la volonté de la reine de Goredd et du chef des dragons, Ardmagar Comonot, de garder cette paix aussi longtemps que possible, des tensions existent : certains humains sont contre ce traité et forment une sorte de secte anti-dragons, et certains dragons aimeraient bien pouvoir retrouver leur ancien terrain de chasse. C'est à l'occasion du quarantième anniversaire du Traité que tout va déraper.
Seraphina Domberg, dotée d'un grand talent de musicienne, est devenue l'assistante du compositeur officiel de la cour de Goredd, contre l'avis de son père qui aurait préféré la garder près de lui. Car Seraphina n'est pas une personne ordinaire, loin de là ! (mais je n'en dirai pas plus) Cette particularité, qu'elle doit à tout prix garder secrète, la contraint à faire attention à tout et à tout le monde, aussi ne peut-elle se lier vraiment avec personne. La musique tient une place importante dans sa vie, pas uniquement parce qu'elle est douée dans ce domaine, mais parce que sa défunte mère était également musicienne et une excellente compositrice.
Seraphina est un personnage qui m'a beaucoup plu : elle est intelligente et, malgré un grand sentiment de solitude qui l'attriste parfois, elle s'est fait une raison quant à sa condition et ne passe pas son temps à se plaindre. Elle est courageuse car, même quand elle est effrayée et qu'elle rêverait de s'enfuir, elle pense aux autres et essaie de faire les choses bien. Je ne lui ai pas trouvé de gros défauts : je ne dis pas qu'elle est parfaite, elle fait aussi des erreurs, comme tout le monde, et je n'ai pas toujours été d'accord avec ses décisions. Mais ce n'est pas un personnage agaçant, au contraire : elle est intéressante, complexe, alternant entre ses émotions humaines et cette rationalité qui lui vient de son professeur de musique, Orma, un dragon qu'elle connaît depuis l'enfance et pour lequel elle éprouve une grande affection. Affection qui semble réciproque, même si les manières draconiques d'Orma ne le laisse pas toujours paraître. En tout cas la relation entre ces deux personnages est vraiment intrigante, car peu ordinaire et, dans un sens, émouvante. J'ai eu beaucoup d'affection pour Orma, capable de passer outre les règles de son espèce pour rester auprès de Seraphina. Ses essais pour montrer son affection se révèlent d'ailleurs plutôt amusants.
À l'approche du quarantième anniversaire du Traité de paix, le fils de la reine meurt de manière suspecte, suggérant la possible implication de dragons. Par un contrariant concours de circonstances (je n'en dirai pas plus), Seraphina se voit entraînée dans l'enquête pour découvrir ce qui est vraiment arrivé et qui est derrière tous ces événements qui menacent de détruire cette paix si nécessaire pour le royaume. C'est avec le prince Lucian Kiggs, capitaine de la garde de la reine et cousin/fiancé de la princesse Glisselda, que Seraphina tente de résoudre le mystère. Lucian est un homme séduisant, intelligent, très impliqué dans son devoir, très à cheval sur l'honnêteté et particulièrement perspicace, au grand dam de Seraphina qui doit alors faire très attention à ce qu'elle dit ou fait devant lui si elle ne veut pas qu'il découvre son secret. On s'en doute, ces deux-là vont finir par développer des sentiments l'un pour l'autre. J'avais peur que cela prenne trop de place dans l'histoire, comme ce peut être le cas avec les romans young adult, mais finalement non. On a bien une histoire d'amour, mais pas au premier plan : elle vient doucement, naturellement, au fur et à mesure que ces deux êtres apprennent à se connaître, mais ne surpasse pas l'intrigue, qui est avant tout celle d'une musicienne talentueuse qui cache un lourd secret et tente d'éviter une guerre. J'ai bien aimé le personnage de Lucian, notamment ses échanges avec Seraphina qui permettent à la jeune femme de s'affirmer, de prendre conscience de sa valeur. Attention, ce ne sont pas des discussions autour de l'amour, etc., mais plutôt sur des considérations politiques et philosophiques. Bref, des discussions riches qui prennent un sens particulier pour Seraphina, si honteuse de son "monstrueux" secret.
Même si j'ai bien aimé Lucian, j'ai largement préféré sa cousine/fiancée, la princesse Glisselda. C'est une jeune femme pleine d'entrain, intelligente et généreuse. Elle adore Seraphina, qui lui enseigne la musique, et n'hésite pas à l'écouter, à prendre conseil auprès d'elle (au sujet des dragons et du Traité, par exemple), et la considère comme une amie malgré son rang social (elle est la fille d'un avocat). Elle aussi va beaucoup aider Seraphina dans son appréciation d'elle-même.
Je ne sais pas si la manière dont sont représentés les dragons ici est très originale, car j'ai lu peu de romans avec des dragons, mais j'ai beaucoup aimé le fait qu'ils puissent ici prendre forme humaine (ce qui n'était pas le cas dans mes autres lectures). Cela, et le fait que les dragons soient plus évolués que les humains. Dans les mythes, le dragon est toujours représenté comme une créature puissante et intelligente, ce qui est le cas ici. Mais le plus, c'est l'aspect technologique : alors que les humains vivent de manière médiévale, les dragons possèdent des technologies plus avancées, comme des appareils qui permettent de communiquer à distance, par exemple.
Je ne peux pas dire grand-chose du style de l'auteur, car je suis novice en matière de lecture vo et ne m'estime donc pas vraiment en mesure de juger l'écrit anglais. Tout ce que je peux en dire, c'est que la lecture m'a été plutôt agréable malgré quelques difficultés niveau vocabulaire (mais bon ça c'est normal). Rachel Hartman m'a l'air d'avoir une plume plutôt fluide, assez facile mais avec un vocabulaire varié (l'éditeur parle d'un niveau de lecture pour adolescents, donc pour un lectorat à partir de 13-14 ans, même si je le classerais plutôt en young adult).
Je n'ai ressenti aucune longueur dans le texte, l'auteur alternant entre des passages où notre héroïne doit faire face à des problèmes personnels, des passages où les intrigues de cour et politiques mettent ses nerfs à rude épreuve, ainsi que quelques scènes d'actions et rebondissements intéressants.
En bref, Seraphina a été pour moi une excellente surprise, une belle découverte : un roman de fantasy dont l'intrigue est menée de manière efficace, avec des personnages bien construits (autant les principaux que les secondaires) et un univers riche que j'ai trouvé assez original.
La suite, Shadow scale, l'est tout autant.
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