Esme, de Farah Anah, est un diptyque romantique assez sombre. Il
s'agit là encore d'une découverte pour moi, qui ne connaissait pas du
tout l'autrice, et, bien que ce ne soit pas un coup de cœur, j'ai tout
de même grandement apprécié ma lecture.
Esme, douze ans, vit dans un quartier pauvre, auprès de parents drogués dont un père alcoolique et violent et une mère prostituée qui n'attend qu'une chose : que sa fille devienne suffisamment grande pour se prostituer à son tour et rapporter de l'argent à la maison. Dans son quartier, les gens sont persuadés qu'Esme finira comme ses parents et la traitent donc avec mépris. Alors Esme ne rêve que d'une chose : obtenir son diplôme pour enfin quitter sa ville natale et vivre une vie normale.
Un jour débarque dans le quartier Abain Loreto, dix-sept ans, qui a emménagé là avec sa famille suite à la mutation forcée de son père instituteur. Dès sa rencontre avec Esme, il sent que quelque chose ne va pas et décide de la prendre sous son aile. Auprès d'Abain et de sa famille, Esme va apprendre ce qu'est un foyer aimant. Abain, qui a rapidement su s'imposer dans le quartier, devient petit à petit plus important pour elle que n'importe qui, à la fois pour leur plus grand bonheur et leur plus grand malheur.
Car des années plus tard, Esme, alors âgée de vingt-quatre ans, a le cœur brisé d'avoir été abandonnée il y a six ans par celui qu'elle aimait plus que tout. Le pire étant de ne pas savoir ce qu'il est devenu et la raison de sa soudaine disparition. Mais le voilà qui réapparaît à la station service où elle travaille pour ne montrer que de l'indifférence à son égard. Pire encore : il semble avoir réalisé ses rêves de grandeur, mais avec une autre femme qu'elle à ses côtés. Qu'a-t-il bien pu se passer pendant toutes ces années durant lesquelles ils ont été séparés ?
Il n'est pas évident de proposer un résumé pas trop long, car tout est lié, et il y a beaucoup d'éléments clés. Mais l'on va se contenter de ça, de toute façon je vais forcément en dire davantage en parlant des personnages.
Dans ce premier tome, l'histoire nous est racontée du point de vue d'Esme : c'est elle qui nous raconte ce qu'elle a vécu autrefois et ce qu'elle vit au présent, nous livrant ses sentiments les plus enfouis, ses secrets les plus sombres, ses souvenirs les plus horribles, mais aussi ses souvenirs les plus beaux. Sur environ le premier tiers du livre, nous découvrons son adolescence. Esme n'a vraiment pas eu de chance dans la vie, et ce depuis sa naissance. Sa mère est tombée enceinte pour que son petit-ami, qui avait alors une bonne situation, l'épouse. Malheureusement il a tout perdu (famille, emploi, argent) et ils se sont retrouvés à devoir vivre pauvrement. Devenus alcooliques et drogués, ils ont traité Esme comme une moins-que-rien. La jeune fille était obligée de sortir dès que ses parents invitaient des amis, car ceux-ci pouvaient être dangereux (mains baladeuses, regards concupiscents, etc.). Mais Esme a tout fait pour pouvoir un jour quitter cet univers qui la répugne, refusant de toucher à la drogue et travaillant d'arrache-pied pour avoir son diplôme. Rencontrer Abain et sa famille a été salvateur pour elle, du moins au début. Les Loreto l'ont accueillie et ont fini par la considérer comme un membre de leur famille. Si au départ Abain était un ami, les sentiments d'Esme ont fini par évoluer et elle s'est mise à exiger plus de lui : d'abord un baiser, puis d'autres, puis des caresses, etc. Abain, qui prenait cela pour un simple jeu, habitué à fréquenter tout un tas de filles, a fini par se rendre compte que cela devenait de plus en plus sérieux. Parfois j'ai trouvé cette relation un peu dérangeante, car ils ont cinq ans d'écart : quand on est adulte, une telle différence est minime, mais quand la fille a treize ans et le garçon dix-huit, c'est plus problématique. Il y a la question légale avec le détournement de mineur (qui est d'ailleurs abordée dans l'histoire), ou encore celle du consentement (bon, ici c'est elle qui prend les devants, mais vu de l'extérieur on peut se demander s'il n'y a pas eu une quelconque manipulation, etc.). Alors oui, comme je le disais, c'est Esme qui a démarré cette relation, qui a décidé de chacune des étapes. Mais Abain était censé être plus mature, pourtant à chaque fois qu'il a refusé l'une de ces étapes justement à cause de leur différence d'âge, il a toujours fini par céder, et pas toujours de manière très réfléchie (pas de préservatif pour leur première fois, par exemple). Je ne dis pas que cette relation n'avait pas lieu d'être, au contraire on en comprend chaque étape, on comprend aisément les sentiments d'Esme. C'est juste que certains points m'ont dérangée.
Et c'est pire lorsque l'on retrouve les personnages des années plus tard, ce qui occupe les deux-tiers suivants du livre avec toutefois quelques chapitres flash-back. Esme (je ne dis pas ce qu'elle a fait pendant tout ce temps, ça fait partie des surprises de l'histoire) n'a pas accompli ses rêves : elle vit dans un appartement pourri avec sa meilleure amie (une mère qui fuit son mari drogué et violent) et travaille illégalement dans une station service pour un salaire de misère. À cause des horreurs qu'elle a vécu ces dernières années et l'abandon de l'homme qu'elle aimait plus que tout, elle s'est barricadée derrière des remparts bien hauts et bien épais (elle avait déjà un bonne carapace autrefois, là c'est pire) pour ne plus laisser qui que ce soit l'atteindre pour la briser à nouveau. Quand Abain réapparaît, il est tout son contraire : il porte de beaux costumes, a un super travail qui lui rapporte beaucoup d'argent, vit dans une belle maison dans un beau quartier et a une fiancée dont les parents sont riches. Quand Esme se retrouve à la rue, à la recherche d'un nouveau logement, Abain propose de l'héberger dans sa dépendance. Alors "propose" est un bien grand mot, car il ne lui laisse pas vraiment le choix : il lui pique ses affaires pour la forcer à le suivre. Comme si vivre avec son ex-petit-ami et sa future épouse n'était pas déjà assez difficile, Abain passe son temps à la torturer, allant parfois vers elle pour la fuir aussitôt. Abain qui, tout au long de l'histoire, est comparé à un prince charmant. J'explique : on a toute une référence au Disney Le Bossu de Notre-Dame, étant donné que le nom complet d'Esme est Esmeralda, et elle a décidé d'attribuer le rôle de Phoebus à Abain. Bon, elle était gamine à l'époque et Abain s'apparentait pour elle à un véritable prince charmant. Qui s'avère en fait être un parfait connard. Parce que déjà à l'époque où ils sortaient ensemble, il l'a poussée à consommer de la drogue et elle se mettait à boire énormément lors de soirées. Et quand des années plus tard il se retrouvent, Esme ne boit plus, ne fume plus et ne touche plus à la drogue, pourtant il essaie de la pousser à boire (ce qui conduit à une fin de soirée désastreuse) et à fumer (il la force à prendre la cigarette dans sa bouche).
Bref ! Je n'ai pas du tout aimé le personnage d'Abain, qui est un bel hypocrite. Quant à Esme, cela dépend des moments. Ce personnage m'a beaucoup intéressée, elle est forte malgré tout ce que ses parents lui ont fait endurer, elle fait tout ce qu'il faut pour s'en sortir au point de s'endurcir peut-être un peu trop, pourtant elle reste une personne avec un grand cœur et est prête à tout pour protéger ceux qu'elle aime. Le problème c'est que, dès que cela concerne Abain, elle ne fait que les mauvais choix. Franchement, vu la manière dont il ne cesse de se comporter avec elle durant la période où il la loge, je n'ai pas compris pourquoi elle s'accrochait autant et ne se contentait pas simplement de se barrer. Bon si, j'ai compris, tous deux partagent une sorte d'amour absolu, mais hyper malsain, qui leur fait autant de mal que de bien. Mais perso je me serais barrée depuis longtemps, à sa place, je n'aurais pas autant repoussé les limites de ma tolérance. Pour le coup elle m'a exaspérée à plusieurs reprises, ce qui ne m'a toutefois pas empêchée d'apprécier quand même le personnage et son histoire.
Quand j'ai débuté ma lecture, j'ai cru que je ne parviendrais pas à apprécier ce roman. Déjà parce que le style de l'autrice m'a laissée quelque peu perplexe. Il y a eu parfois des phrases et des expressions qui ont été mal tournées, ce qui m'a un peu dérangée, parce que dans ces cas-là je ne peux pas m'empêcher de m'arrêter pour corriger la phrase dans ma tête. Du coup ça me coupe un peu dans ma lecture. J'ai également eu un peu de mal avec le vocabulaire employé, car j'ai trouvé que par moments ça dénotait avec le reste du texte. Par exemple, utiliser le mot "palpitant" pour désigner le "cœur" : dans certaines circonstances ça fonctionne, mais dans certains passages, surtout romantiques ou sensuels, j'ai trouvé que le mot cassait un peu l'ambiance. C'est un exemple (celui qui apparaît le plus dans le récit, même si ce n'est pas celui qui m'a le plus dérangée, mais comme je ne les ai pas listés, j'ai pris celui dont je me souvenais), mais il y en a eu plusieurs comme ça qui m'ont dérangée. L'autrice emploie également certains mots pour caractériser quelque chose de concret alors qu'ils sont censés être utilisés pour de l'abstrait. Tout cela m'a donné l'impression qu'elle a cherché dans les listes de synonymes pour varier le vocabulaire, sauf que ça n'a pas forcément été employé comme il faut.
L'autre raison pour laquelle j'ai pensé ne pas arriver à apprécier le roman était justement cet amour malsain entre Esme et Abain, et l'exaspération que je ressentais face aux décisions d'Esme.
Malgré ces défauts, je n'ai pas pu m'empêcher de tourner les pages. L'autrice sait comment susciter la curiosité. J'avais vraiment envie de connaître le secret d'Abain (la raison de sa disparition) et de savoir ce qu'il allait advenir de nos deux amoureux maudits. Même si certains mots ou certaines phrases n'ont pas été employés correctement, globalement l'écriture de l'autrice reste fluide et dessert bien l'histoire, particulièrement addictive. J'ai beaucoup aimé le fait que l'on s'attarde sur l'adolescence d'Esme et l'évolution de sa relation passée avec Abain, tout comme les flash-back qui nous permettent de découvrir ce qu'elle a vécu durant les années où il a disparu de sa vie. Présenter l'histoire ainsi était une bonne idée, l'autrice ayant vraiment pris le temps de nous faire connaître son héroïne à l'adolescence, pour que nous puissions mieux comprendre son héroïne adulte. Je pense que si elle s'était contentée de parler brièvement de son passé, j'aurais bien moins su apprécier le personnage.
En bref...
Le premier tome d'Esme met en place une romance parfois assez sombre particulièrement bien réussie, tant dans le traitement des personnages (qu'on les apprécie ou pas) que dans celui de l'intrigue. Malgré quelques défauts de vocabulaire et de grammaire, l'autrice parvient d'une plume fluide à attiser la curiosité du lecteur, le poussant à tourner les pages pour toujours en savoir plus. Technique qu'elle utilise également pour la fin du tome, qui laisse alors le lecteur sur sa faim, désireux d'assouvir ce besoin de connaître enfin le fin mot de l'histoire.
Pour ma part, j'ai aussitôt enchaîné sur le deuxième tome.
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