Les Larmes de Saël est une série de science-fiction post-apocalyptique/dystopique. Certains la classent également dans la fantasy, ce ne sera pas mon cas puisqu'elle ne valide aucun critère du genre : d'une part il ne s'agit pas d'un univers totalement inventé puisque l'histoire se déroule sur notre bonne vieille Terre mais qui a subi de sérieuses catastrophes dans un futur lointain ; d'autre part il n'y a aucune magie dans ce roman mais de la technologie. Alors oui la couverture laisse penser que, mais non. Ce n'est pas parce que des gens sont habillés avec des pagnes, ou que l'on parcourt de vastes terres sauvages, qu'on est dans de la fantasy. Et même si, une fois loin de la Cité, on a bien l'impression de se retrouver dans ce genre, techniquement ce n'en est pas. Mais peu importe, car ce qui compte au final, c'est d'en apprécier la lecture.
Bien longtemps après notre ère, la planète n'est plus du tout la même : les continents ont bougé, les pays et villes que nous connaissons ont disparu, la terre est devenu extrêmement aride à cause du manque d'eau, etc. Sauf à Ceylan, une immense cité prospère protégée par un dôme, où l'eau et la nourriture ne manquent jamais, où les gens vivent en toute sécurité, où une technologie avancée fait partie du quotidien. Il n'y a pas d'électricité, on prône l'écologie ici, aussi toutes les technologies sont-elles alimentées grâce à l'eau qui entoure et parcourt la Cité. Les habitants ont des bracelets multifonction qui leur permettent par exemple de communiquer entre eux (plus besoin de téléphone portable, d'ailleurs ça n'existe plus), ou encore de commander l'apparition de ponts, d'escaliers et moyens de locomotion (en gros c'est là mais ça se matérialise uniquement sur activation via le bracelet). Un super endroit pour vivre, donc. Mais c'est sans connaître ce qui se cache derrière le fonctionnement de la Cité...
Un lourd secret que va finir par découvrir Arcana, jeune fille de bonne famille dont le père gère le fonctionnement technologique de Ceylan et, ayant pour objectif de siéger au Conseil (ceux qui dirigent la Cité, quoi), va pour cela fiancer sa très chère fille au fils de l'un des Conseillers. Après avoir appris cette mauvaise nouvelle, Arcana est furieuse mais n'a guère le temps de protester : Ceylan est attaquée, aussi doit-elle aller se réfugier chez elle avec sa mère. Au bout d'un temps d'attente qui semble une éternité dans l'esprit de la jeune fille, le peuple de Ceylan est appelé à se réunir. C'est là que tous apprennent l'identité des attaquants : des Saëliens, peuple considéré comme sauvage (dans tous les sens du terme), dont quelques-uns ont été capturés. Le Conseil impose alors un vote : les exécuter ou leur pardonner.
Avant de lire la suite, il faut bien avoir une chose en tête : notre héroïne est une jeune fille capricieuse, superficielle et égoïste. Maintenant que vous savez ça, vous pouvez continuer.
Donc, parce que son père l'a fiancée sans son consentement, mademoiselle est très remontée contre l'autorité parentale, aussi décide-t-elle de faire sa rebelle. Ainsi Arcana vote contre l'exécution des prisonniers, qui vont quand même être tués (c'est la majorité qui l'emporte, après tout), sauf un, sauvé de justesse par la demoiselle, non par altruisme mais par pur esprit de contradiction. Se croyant plus maligne que tout le monde, elle le choisit comme fiancé, prétextant une volonté de paix entre les deux peuples.
Encore une chose avant de continuer : Arcana est une fille bien trop gâtée qui n'a jamais vraiment eu besoin de beaucoup réfléchir.
Alors non seulement elle met son père en colère, mais elle se met également à dos le Conseiller le plus influent (qui est, au passage, le père du fiancé auquel elle était destinée). Et dans sa jolie petite tête, elle a oublié une règle essentielle à Ceylan : la femme n'a aucun pouvoir et, une fois mariée, passe de la tutelle paternelle à celle de son époux. Et cette règle, les Conseillers ne l'ont pas oubliée, eux. Arcana se retrouve ainsi bien déconfite lorsque, après son mariage avec le Saëlien prénommé Ashkan, elle se voit conduite à la sortie de la Cité. Ceylan n'est plus sa maison, elle est désormais une Saëlienne et doit vivre avec son nouveau peuple.
Et c'est là que l'aventure commence vraiment pour notre héroïne, mariée à un inconnu taciturne qui déteste ce qu'elle représente, complètement perdue au milieu de ces terres arides et dangereuses. Si l'histoire reste assez prévisible sur certains aspects, elle nous surprend par d'autres et l'on suit le récit avec intérêt.
Arcana est un personnage particulièrement énervant au début (voir les défauts énumérés plus haut), mais qui saura évoluer au fil de sa nouvelle vie auprès du peuple de Saël. Elle n'aura pas vraiment le choix, de toute façon, si elle veut survivre et, surtout, se faire accepter par sa belle-famille. Car la vie chez les Saëliens est rude : peu d'eau et de nourriture, un peuple vivant en petites tribus, des règles plus dures et complètement différentes de celle de Ceylan, aucune technologie avancée. Elle va donc devoir apprendre à tout faire par elle-même (même ramasser les bouses de vache), à prendre ses responsabilités, et à penser aux autres avant elle. En gros, devenir le contraire de ce qu'elle était à Ceylan. Si Arcana m'a beaucoup déplu au début, j'ai fini par l'apprécier au fil de l'histoire. Cependant je n'ai pas vraiment réussi à m'attacher aux personnages, même si certains m'ont intéressée.
On voit trop peu Ashkan pour que je puisse bien en parler. Il déteste le peuple de Ceylan pour ce qu'il a fait au sien, mais va finir par tomber amoureux d'Arcana (franchement on le devine dès la lecture du résumé). Bon, c'est cliché, mais le problème n'est pas là : il passe son temps à ignorer sa nouvelle épouse, il est quasiment toujours occupé loin d'elle, alors je me demande à quel moment il a bien pu en tomber amoureux. On a ainsi à plusieurs reprises des revirements de situation et de comportements trop soudains qui rendent l'intrigue moins crédible.
En ce qui concerne les autres personnages, si j'ai détesté la petite sœur d'Ashkan, une véritable peste (peu importe la suite, je ne m'y suis pas du tout attachée), j'ai apprécié sa grand-mère et son frère Zachary. La grand-mère est une femme forte (même si elle fait semblant d'être faible) qui a perdu bien trop de membres de sa famille et fait tout pour protéger ceux qui restent. Elle va rester longtemps froide et distante envers Arcana, jusqu'à ce que celle-ci lui prouve sa valeur. Zachary, quant à lui, est un garçon doux et gentil, qui n'est vraiment pas fait pour ce monde si dur envers les hommes. Car si à Ceylan les hommes sont puissants, à Saël c'est bien plus compliqué que cela.
Je suis un peu partagée quant à la totale opposition entre Ceylan et Saël : j'ai trouvé certains points intéressants, en revanche cela m'a paru parfois un peu trop. Les habitants de Ceylan sont pâles car protégés par le dôme (seuls les cultivateurs sont un peu bronzés) et toujours propres, tandis que ceux de Saël ont la peau foncée car ils vivent à l'extérieur et sont souvent sales car ont peu d'eau pour bien se laver. Ceylan est civilisée, riche et possède une technologie avancée ; Saël est pauvre et primitive. À Ceylan, les hommes dirigent et les femmes doivent leur obéir, tandis que Saël est une société matriarcale. Je ne vais pas entrer dans les détails, c'est plus intéressant de découvrir tout cela par les yeux d'Arcana, mais en gros il y a tellement peu de naissances de garçons que c'est devenu une denrée rare, aussi les tribus sont-elles majoritairement composées de femmes. C'est intéressant, mais je trouve cela trop facile de faire de deux peuples ennemis de tels opposés, leur seul point commun étant une forme d'injustice dans le fonctionnement de ces deux sociétés.
J'ajouterais encore un petit truc : il y a deux épilogues à la fin, le premier terminant sur une catastrophe, le second servant à rassurer le lecteur par rapport à cela. Personnellement, je n'aurais pas mis ce deuxième épilogue, histoire de rester sur une fin dramatique et de frustrer le lecteur qui n'aurait qu'une envie, se ruer sur la suite. Mais c'est là pure stratégie (ou sadisme) de ma part.
En bref...
Ce premier tome de la série Les Larmes de Saël nous fait découvrir une Terre future totalement inconnue suite à de nombreuses catastrophes, où l'eau et les hommes sont une denrée rare chez un peuple tandis qu'un autre vit dans l'opulence et l'oisiveté. Malgré des personnages qui mériteraient d'être plus développés, et quelques facilités et raccourcis qui enlèvent un peu de crédibilité à l'intrigue, celle-ci reste globalement bonne et intéressante.
J'espère que les défauts de ce premier volume seront atténués (voire effacés, soyons fous !) dans la suite, qui m'a l'air pas mal mouvementée, ce qui bien sûr attise ma curiosité.
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