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samedi 1 août 2020

Les métamorphoses - Camille Brunel




J'ai reçu Les métamorphoses de Camille Brunel en SP, à ma demande, donc merci aux éditions Alma et à Page des libraires qui a servi d'intermédiaire. Ce roman est prévu pour la Rentrée Littéraire 2020 et paraîtra le 27 août. À chaque Rentrée littéraire sort au moins un roman de littérature générale un peu SFFF, du coup je guette toujours la liste des parutions pour les repérer et les lire. L'an dernier, par exemple, il y a eu Cadavre exquis d'Agustina Bazterrica, un très bon roman de SF post-apocalyptique paru en littérature générale dans lequel le cannibalisme a été légalisé, un virus ayant causé la disparition de presque tous les animaux. Dans Les métamorphoses, on plonge en pleine apocalypse : il est également question d'un virus, mais celui-ci change les humains en animaux. (Je viens d'ailleurs à peine de faire le lien entre ces deux romans : tous deux parlent, en partie et à des niveaux différents, de la place de l'animal dans la société humaine.) Le roman reste toutefois très différent d'un récit de SF car, s'agissant avant tout de littérature générale, les priorités ne sont pas les mêmes.

Isis est une jeune femme végane, accro aux réseaux sociaux, qui adore les animaux et considère sa chatte Dinah comme sa propre fille. Un jour elle découvre dans son jardin un oiseau dont l'espèce est censée vivre bien loin de l'Europe. Puis, partout dans le monde apparaissent des animaux de manières tout à fait incongrues, dans des lieux où ils ne sont pas censés se trouver. De nombreuses hypothèses, des plus logiques aux plus irréalistes, sont proposées. Jusqu'à ce que l'on comprenne enfin que ces animaux étaient auparavant des humains. Isis voit alors le monde autour d'elle changer au fur et à mesure que se répand ce virus inconnu capable de transformer les humains en animaux. Sa famille, ses amis, tous se transforment. Et c'est toute la société qui s'effondre, tandis qu'Isis tente de comprendre pourquoi.

Je n'ai pas trop accroché au personnage d'Isis, même si j'ai beaucoup aimé Dinah. C'est avant tout pour une question de convictions que nous ne partageons pas : elle est végane, et le véganisme est un mode de vie que j'ai du mal à comprendre étant donné que notre organisme d'omnivore n'est pas adapté à une alimentation d'herbivore (ni à celui d'un carnivore, d'ailleurs, donc il faut savoir équilibrer). Après, c'est un choix de vie, chacun son truc. Ce avec quoi j'ai plus de mal, c'est quand on impose son choix d'alimentation aux êtres qui dépendent de nous : nos enfants, nos animaux... Car Isis impose un régime végan à sa chatte, figurez-vous ! Alors que les chats sont carnivores, ils ont besoin de viande. Mais non, Isis estime que, parce qu'elle a sauvé la vie de cette pauvre bête en l'adoptant, celle-ci peut bien se passer de viande. Du coup j'ai beaucoup apprécié le passage où Dinah attrape un oiseau et le dépose mort aux pieds de sa maîtresse pour ensuite le manger devant elle. Bien sûr Isis ne manque pas de faire une crise : elle a raté l'éducation de son animal, etc. Voilà donc la première chose qui m'a déplu chez ce personnage, la seconde étant sa passivité. Car j'ai trouvé qu'elle agissait très peu. Bon certes, on ne peut pas faire grand-chose face à la transformation de la population en animaux, mais je l'ai trouvée plutôt molle, sauf vers la fin où elle se décide enfin à bouger un peu pour aider sa famille. Isis, fervente protectrice des animaux, voit alors les animaux comme un danger contre lequel elle va devoir protéger les siens. Un événement qui la pousse à repenser ses propres convictions.
C'est souvent le problème dans les romans de littérature générale qui intègrent de la SF dans le récit : c'est toujours un peu lent. En général, la SF sert de base (ici le virus) pour un récit qui va davantage s'orienter vers la réflexion plutôt que vers l'action (contrairement à beaucoup de romans de SF pure). Du coup il se passe peu de choses, ou alors quand il se passe quelque chose c'est vite expédié et on s'attarde sur les aspects psychologiques et philosophiques. Dans ce roman, Isis réfléchit beaucoup à la raison de ce virus : pourquoi transforme-t-il les humains, pourquoi en animaux, pourquoi ce sont les hommes qui sont le plus touchés, etc. Elle émet ses propres hypothèses : l'homme a provoqué de nombreuses disparitions d'espèces animales, il est en train de détruire la nature, la planète, donc la planète se venge en le transformant afin de repeupler la Terre d'animaux. Idée intéressante à laquelle j'ai plutôt bien adhéré. D'autres hypothèses ou conclusions m'ont moins plu car j'ai trouvé que c'était "trop" : comme le fait que l'orgueil soit plus prononcé chez les hommes que chez les femmes, ce qui expliquerait pourquoi ils sont les plus touchés (j'ai beaucoup apprécié que la fin démente totalement ce postulat).

Ce ne sont pas les personnages qui m'ont fait apprécié ce récit, je ne me suis attachée à aucun d'entre eux, en fait. À part à Dinah la chatte dont l'autrice nous montre le point de vue à certains moments, ce qui était assez sympa. Ce qui m'a vraiment intéressée dans ce roman, ce sont les différentes réactions face à ces transformations et la réflexion autour de la manière dont l'homme traite les animaux. Déjà se développe tout un questionnement sur la manière dont la société doit considérer ces ex-humains : comme des animaux ou comme des humains ? S'ils sont contagieux, est-ce qu'il faut les tuer ? Faut-il tuer les vrais animaux, qui sont peut-être la source du virus ? Comment différencier un ex-humain d'un animal d'origine ? Faut-il continuer à manger de la viande alors que cela pourrait être un ex-humain (les végans répondront un gros oui) ?
D'un côté, il y a ceux qui veulent à tout prix se débarrasser des membres de leur famille transformés, de l'autre ceux qui veulent tout de même les garder auprès d'eux. Certains, lorsqu'ils sentent qu'ils vont se transformer, acceptent le changement avec enthousiasme, comme une renaissance. D'autres décident de se suicider : je vois cela comme une pleine conscience de la manière dont l'homme à tendance à mal traiter les animaux. On les enferme dans des cages quand on veut les observer, on fait des expériences dessus, on les tue quand ils ne nous sont plus utiles, on les tue pour l'argent qu'ils peuvent nous rapporter, etc. Les animaux ont énormément souffert de l'égoïsme de l'homme, la nature se venge et certains en ont pleinement conscience. Il y en a aussi qui diffusent des transformations (la leur ou celle de quelqu'un d'autre) en direct sur les réseaux sociaux : la tendance de certains à filmer les pires choses pour avoir des vus et des like, pour montrer leur présence, leur besoin d'exister même dans leur disparition. Filmer plutôt qu'aider, cette société accro aux réseaux sociaux, hyper connectée, qui pense que tout doit passer par là...
Se pose également la question de la mémoire : les transformés ont des réactions différentes, et certaines laissent penser que des souvenirs demeurent, d'autres non. Par exemple une personne transformée va attaquer ou fuir sa propre famille ; une autre, au contraire, va rester auprès des siens encore humains comme si elle se souvenait de ce qu'ils représentent pour elle. Mais est-ce vraiment le cas, ou est-ce simplement notre tendance à anthropomorphiser qui nous pousse à le croire ?
On n'a pas vraiment de réponses, en fait. Toutes les questions qu'on peut se poser au fil du récit, soit on a une réponse négative, soit on n'en a pas et c'est à nous de nous faire notre propre opinion. Même vers la fin, quand on pense avoir compris, les choses se déroulent de façon telle qu'on est obligés de s'interroger de nouveau.
D'ailleurs, en ce qui concerne le dénouement... J'étais sur le point d'être déçue, car ça allait être pour moi une fin trop classique, trop... facile, puis un bon retournement de situation m'a agréablement surprise. Pour le coup, la fin m'a bien plu.

En bref...
Dans Les métamorphoses, Camille Brunel met en avant l'égoïsme de l'homme qui détruit tout autour de lui pour son propre confort, sa propre survie. Un roman qui nous pousse à nous interroger sur la place des animaux dans notre société, sur la manière dont on les traite, sur ce qu'il se passerait si on était à leur place. Car c'est cela qui arrive ici : l'homme devient animal et, petit à petit, la nature reprend ses droits sur cette société (auto)destructrice qui s'est bien trop développée. Malgré un rythme plutôt lent, le roman intrigue et nous mène habilement vers un dénouement agréablement surprenant. Je le recommande, donc, en particulier pour toutes les réflexions qui y sont développées. Mais je le déconseille aux gros amateurs de romans apocalyptiques bourrés d'action, qui seraient déçus par son rythme trop soutenu.

2 commentaires:

  1. Bonne chronique, qui rejoint pas mal ce que j'en ai pensé également. Contente de voir que je ne suis pas la seule à avoir aimé ce roman :)

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    1. Merci :) Au début j'avais un peu peur de m'ennuyer, mais finalement ça a plutôt été une bonne surprise. Surtout la fin !

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