Les Cycles corrompus est le premier tome de la série de fantasy Les Aînés de Serenya Howell. Je l'avais fait acheter pour ma médiathèque, car le résumé et la couverture donnaient envie, même si j'avais trouvé très peu de critiques dessus. Je ne regrette pas du tout ce choix, car j'ai vraiment beaucoup aimé ce roman.
Alors, de quoi ça parle, au juste ?
Et bien déjà, il faut savoir que les premiers êtres vivants à être nés sur la Terre sont des dragons, que les humains, apparus bien plus tard, considèrent comme des dieux qu'ils ont appelés Aînés. En tout il y a huit Aînés, qui vont par paire : Lëysha, dragon de la Vie (aussi appelée Reine des Aînés) et Asroth, dragon de la Mort ; Drarock, dragon du Feu et Alëyna, dragon de l'Eau ; Toriack, dragon de la Terre et Velnëa, dragon de la Nature ; Naroth, dragon du Soleil et Dënya, dragon de l’Étoile. Chacun possède des pouvoirs propres à sa nature, qu'il partage avec son Maître, un humain capable d'entendre dans son esprit la voix des dragons et qui a été choisi par l'un d'eux pour se lier à lui. Quand un Aîné meurt, son Maître meurt, et inversement. Sauf que pour l'Aîné la mort est moins définitive : il prend la forme d'un œuf qui ne peut éclore que lorsqu'il est de nouveau lié à un humain élu pour ce rôle. Ainsi un nouveau Cycle commence pour lui. Ensemble, Aînés et Maîtres veillent sur les Sept-Royaumes depuis la Tour. À l'exception d'un seul : Asroth, depuis longtemps haï et rejeté par les autres, vit sur ses propres terres, partant sans cesse en guerre contre ses frères et sœurs, corrompant l'esprit de ses Maîtres pour mener ses sombres projets à terme.
Voilà pour le contexte. À présent, voici l'intrigue de ce premier tome, qui se divise en trois parties :
- Dans la première partie, l'histoire est racontée du point de vue de Dënorh, jeune Aspirant qui rêve de devenir Maître un jour. Le jour où il a entendu la voix d'un Aîné dans sa tête a changé sa vie, lui qui vivait dans la rue, à devoir voler pour se nourrir. Car lorsqu'une personne entend la voix des Aînés, sa vie ne tourne plus qu'autour d'eux, tous ses soucis n'en sont plus et elle vient vivre à la Tour, où elle devient un Aspirant pour peut-être un jour devenir Maître. Un jour, Dënorh est appelé à la cérémonie de l’Éclosion comme élu potentiel. Cela aurait pu être le plus beau jour de sa vie, mais il se retrouve alors lié à Asroth, incarnation de la Mort, Aîné craint et haït de tous. La surprise passée, Dënorh s'enfuit de la Tour pour s'éloigner le plus possible du dragon noir, pour au final être obligé de voyager avec lui.
Dënorh va devoir lutter contre les mauvais penchants d'Asroth et ses pouvoirs si tentants, et va au contraire essayer de convaincre la Mort de changer de camp, d'arrêter les massacres. Le problème est que Dënorh se fait attaquer par les Hommes et qu'il va devoir utiliser les pouvoirs d'Asroth pour tuer ses attaquants. Car Dënorh veut vivre, tout simplement, mais il se heurte aux a priori des Hommes, qui sont persuadés qu'il finira comme les précédents Maître de Mort, une marionnette entre les griffes du dragon noir. Tous ces a priori que les Hommes ont envers Asroth, Dënorh les avait aussi, mais au fur et à mesure qu'il apprend à le connaître, il finit par réviser son jugement. Ensemble, Aîné et Maître vont lutter pour survivre, et nouer une relation faite de compromis et, parfois, de bonne entente.
J'ai beaucoup aimé cette première partie, qui entre assez vite dans le vif du sujet. Il y a pas mal d'action, le pauvre Dënorh se faisant souvent attaquer par les Hommes alors qu'il fait tout pour faire les choses bien, sa raison risquant sans cesse de se perdre dans les ténèbres. On ressent vraiment cette lutte intérieure et on se prend à espérer que le jeune Maître parvienne à convaincre son Aîné qu'il peut être heureux sans guerre ni tueries. Car on s'attache à ces deux personnages, et j'ai vraiment apprécié leur relation, qui évolue au fil de leur avancée de manière tout à fait crédible et touchante.
Et la fin de la première partie m'a tellement happée que lorsque j'ai compris qu'on changeait de personnage principal dans la deuxième, alors que l'on quittait Dënorh en pleine catastrophe, j'ai poussé un petit "oh non !" de désespoir.
- Heureusement, contrairement à ce que je craignais, la deuxième partie est tout aussi captivante que la première, même si le rythme diffère. Car nous suivons à présent Aymerick, le meilleur ami de Dënorh, Aspirant lui aussi, qui se reproche d'être resté à la Tour plutôt que de suivre son ami pour l'aider. Au fond de lui, Aymerick sait que Dënorh parviendra à lutter contre les ténèbres si tentants de Mort, et espère son retour. Le fait qu'il soit proche de lui va lui causer quelques problèmes, car la majorité des Aspirants voit à présent Dënorh comme un ennemi, un traître qu'il faut éliminer. Aymerick va donc être victime de brimades et l'un des Maîtres va le prendre comme Assistant pour le protéger. En parallèle, Lëysha, Reine des Aînés, espère le retour de son frère adoré Asroth auprès d'elle, retour qu'elle fomente depuis des Cycles et des Cycles en lui cherchant un Maître qui pourrait le faire changer. Après plusieurs échecs, elle prie pour que Dënorh soit le bon. En attendant, étant donné qu'elle n'a pas le droit de quitter la Tour car elle est trop précieuse (sa disparition pourrait entraîner la fin de toute vie), elle va prendre secrètement contact avec Aymerick afin qu'il l'aide à convaincre le Conseil d'accepter de donner une chance à Asroth et Dënorh.
Dans cette partie, nous avons moins d'action et davantage d'intrigues internes (un peu comme des intrigues de cour), mais elle reste tout aussi captivante. À chaque fois que les membres de la Tour découvrent que Dënorh a tué des gens et qu'ils le jugent aussitôt sur cela sans prendre en compte le contexte, je ne pouvais m'empêcher de râler sur leur stupidité. Bon il faut dire qu'ils ont de quoi penser au pire quand on connaît les antécédents d'Asroth et de ses anciens Maîtres. Mais nous, nous avons eu l'occasion de voir les événements tels qu'ils se sont déroulés, alors cela va de soi pour nous qu'ils se trompent tous. J'avoue m'être davantage inquiétée pour le sort de Dënorh et Asroth que pour Aymerick et Lëysha (qui n'est en fait pas si innocente que tout le monde semble le penser), car au final l'histoire tourne principalement autour de ce duo Aîné/Maître de Mort et de leur possible... rédemption. J'avais d'ailleurs trouvé le début de la deuxième partie un peu frustrante car on reprend l'histoire du point de vue d'Aymerick après l’Éclosion d'Asroth alors que je mourrais d'envie de savoir ce qui allait arriver à Dënorh et son Aîné. Mais je me suis quand même laissée entraînée dans l'histoire d'Aymerick, car cela nous permet de comprendre certains éléments et événements de la première partie.
La fin de la deuxième partie marque la fin de l'histoire de Dënorh et Aymerick. J'ai été surprise, car pour moi certaines choses n'étaient pas réglées, comme le problème avec les Chevaliers d'Obsidienne (je ne vous dis rien de plus à ce sujet, vous comprendrez quand vous l'aurez lu), ce qui est plutôt dommage. Du coup je ne peux m'empêcher de me demander ce que le deuxième tome racontera...
- Oui, j'avais bien dit que le roman était divisé en trois parties, et la dernière est en fait une préquelle qui raconte les origines des Sept Royaumes. Je ne peux pas vraiment décrire ces origines sans spoiler certains éléments des parties précédentes, donc il vous faudra vous contenter de ça : d'abord il y a eu un certain nombre de dragons, puis les Hommes sont apparus pour une raison bien particulière (s'ils savaient, ils ne se sentiraient pas aussi importants... ahah !).
Après deux parties assez riches en rebondissements, celle-ci m'a parue bien lente, ce qui casse totalement le rythme du livre. Surtout au début, où il y a trop de longueurs : l'autrice s'appesantit trop sur des éléments qui ne le nécessitaient pas forcément, créant ainsi des redondances qui m'ont un peu lassée au bout d'un moment. Heureusement ça s'améliore quand Lëysha commence à faire n'importe quoi avec ses pouvoirs et avec les Hommes et qu'Asroth se voit obligé d'intervenir avant que tout ça ne vire à la catastrophe. Dans cette partie, on découvre la totale inconscience de l'Aînée Vie, tandis que Mort nous apparaît plus mature. J'ai beaucoup apprécié cela, surtout quand on voit dans les parties précédentes comment les Hommes considèrent chacun de leurs Aînés.
Dans les deux premières parties, au début de chaque chapitre nous avons des extraits de journaux de Maîtres ou d'Aspirants, d'essais historiques et de chansons. Chacun d'eux révèle des événements passés ou des théories de Maîtres sur l'histoire des Aînés, etc., mais donne également des indices sur ce qu'il va se passer dans le chapitre. Cela permet aussi de découvrir des choses que les personnages principaux ne peuvent pas forcément savoir, et d'avoir le point de vue de personnages tiers sur les événements. J'adore quand il y a des éléments comme ça en début de chapitre, ça nous ancre davantage dans l'histoire, je trouve.
J'ai également été agréablement surprise par la plume de Serenya Howell, qui a pris le parti d'un langage assez soutenu, allant jusqu'à utiliser l'imparfait du subjonctif (exemple : "sans que je pusse répondre"). Quand j'ai vu ce temps vers les premières pages, j'avais peur que ça alourdisse le texte (ce qui arrive en général quand on en abuse), mais ce n'est pas le cas ici. Il est vrai que ça surprend un peu au début, mais on s'y habitue vite et on ne peut qu'être enchanté par l'écriture fluide et maîtrisée de l'autrice qui nous plonge dans un univers riche et particulièrement bien développé.
En bref...
Avec Les Cycles corrompus, Serenya Howell nous livre un premier tome réussi grâce à une intrigue bien menée dans un univers plutôt original (des dragons considérés comme des dieux, le lien Aîné/Maître, la naissance des Sept Royaumes) et bien développé. Les personnages sont complexes, ni tout noirs, ni tout blancs, et l'on ne peut que s'attacher à certains. À cela s'ajoute de l'action, des rebondissements et des intrigues qui donnent un bon rythme malgré quelques longueurs dans la préquelle en dernière partie. Le tout est servi par une plume particulièrement agréable à lire, l'autrice maîtrisant la langue française à la perfection. J'ai hâte de découvrir ce qu'elle nous réserve pour la suite !
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