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vendredi 7 août 2020

La Danse des étoiles - Spider & Jeanne Robinson




Encore un livre qui traîne dans ma bibliothèque depuis des années et que j'avais acheté au salon du livre. J'avais craqué dessus pour deux raisons : sa magnifique couverture et sa thématique (la danse dans l'espace) que je trouvais particulièrement originale.
À la base, La Danse des étoiles, c'est deux romans courts réunis en un : le premier ("Stardance") a été publiée en 1977 et a reçu les prix Hugo, Locus et Nebula ; un an plus tard, le deuxième roman court ("Stardance II") est venu compléter l'histoire, pour former ensuite un roman (Stardance) publié comme tel l'année suivante. Sauf que ce n'est pas fini : ce roman n'est en fait que le premier de ce qui va devenir, bien plus tard, une trilogie avec Starseed (1991) et Starmind (1995). Ces deux suites se déroulent dans le même univers, quelques temps après la fin du premier, mais avec d'autres personnages principaux. Malheureusement, cette suite n'est jamais parue en France. Ce qui est dommage, car j'ai apprécié La Danse des étoiles. Et, même s'il se lit comme un one-shot, j'aurais bien aimé savoir ce que les auteurs ont bien pu faire de cet univers particulièrement intéressant qu'ils y ont développé (je ne me sens pas de les lire en vo, je l'avoue).

Bref, parlons donc de La Danse des étoiles ! L'histoire est découpée en quatre parties. Dans la première, le narrateur se présente : Charles Armstead, ancien danseur qui a dû arrêter sa carrière à cause d'une blessure à la jambe et qui s'est reconverti en opérateur vidéo tout en restant dans le monde de la danse. C'est son histoire qu'il va raconter et, à travers elle, celle de Shara Drummond, une danseuse exceptionnelle qui a la malchance d'avoir un corps qui ne correspond pas à ce qu'il faut avoir pour réaliser son rêve : elle est trop grande et a trop de formes (en gros, elle a des seins, des hanches, etc.), contrairement à ce qui est exigé dans ce milieu (on préfère les personnes petites, toutes minces et toutes plates, quoi). Mais lorsque Charles rencontre Shara, il se rend compte de son immense talent et essaie de l'aider à percer dans le milieu en devenant son opérateur vidéo. Grosse déception pour eux, car cela ne fonctionne pas. Chacun repart de son côté, jusqu'au jour où Shara contacte Charles pour un nouveau projet : danser dans l'espace, sans aucune gravité. Comment cela peut-il se faire ? C'est simple : il existe un grand complexe orbital, Skyfac, qui possède l'exclusivité du marché minier lunaire. Shara parvient à convaincre Bryce Carrington, le propriétaire de Skyfac, de la laisser faire ses vidéos de danse dans son complexe. Cela n'ira pas sans difficulté, car il faut pouvoir s'habituer à l'apesanteur, s'y mouvoir correctement et, surtout, faire attention à ne pas trop forcer pour éviter de trop s'acclimater, ce qui signifierait ne plus pouvoir revenir sur Terre. Bref, plein d'obstacles en perspective, mais cela n'arrêtera pas ces deux passionnés, qui vont créer la danse dans l'espace. Mais un jour, des extraterrestres débarquent et seule Shara parvient à les comprendre, leur langage s'apparentant à la danse. Grâce à sa Danse des étoiles, elle va sauver la Terre de ce qui aurait pu être une catastrophe.
Dans la deuxième partie, Charles s'associe avec diverses personnes pour essayer de créer une école de danse dans l'espace. Cela s'avérera particulièrement compliqué, pour des raisons techniques et humaines. Je n'en dirai pas plus car je risquerai de spoiler ce qu'il se passe dans la première partie.
Dans la troisième partie, les extraterrestres refont leur apparition. Ce sera alors au tour de Charles et de ses compagnons de danse de devoir aider la Terre à communiquer avec eux pour comprendre leurs intentions. Ce qu'ils vont alors découvrir va bouleverser leur vie, ainsi que celle de tous les humains.
La quatrième partie ne contient qu'un chapitre, qui sert en quelque sorte d'épilogue.
 
La danse est un univers qui m'intéresse, probablement parce que j'en ai fait pendant sept ans étant enfant et que j'adorais ça. Dès qu'un film sur la danse sort, je le regarde. En ce qui concerne les romans : gamine, je dévorais ceux de la série Danse ! d'Anne-Marie Pol ; aujourd'hui j'en lis beaucoup moins sur ce sujet, mais parfois je me laisse tenter (par exemple : Clair obscur de Lily Haime que j'avais adoré, La danse des ombres de Yelena Black que j'avais trouvé sympa même si j'ai moins aimé la suite). Du coup, quand j'ai vu La Danse des étoiles au Salon du livre, j'ai sauté dessus... pour ne le lire que des années plus tard !
Déjà, il faut savoir que l'auteur a écrit ce roman avec sa femme, danseuse et chorégraphe. Du coup c'est très différent des romans habituels qui se déroulent dans l'univers de la danse, car tout l'aspect technique de la danse y est décrit de manière bien plus détaillée, voire plus complexe. Je dois avouer avoir parfois eu un peu de mal à visualiser les chorégraphies, en particulier celles se déroulant dans l'espace car il y a encore plus de paramètres à prendre en compte. Il est déjà plus facile d'apprécier la danse en la regardant qu'en la lisant, alors dans ce roman c'était encore plus compliqué (pour moi en tout cas, simple amatrice) d'apprécier pleinement le talent des danseurs. Mais quand j'arrivais à visualiser les chorégraphies, c'était sympa, d'autant plus qu'à cela s'ajoutent des réflexions philosophiques plutôt intéressantes sur ce que représentent les mouvements (la liberté, l'amour, etc.), ainsi que sur l'histoire ou le message que chaque danse transmet. Les titres des danses soulignent d'ailleurs assez bien cet aspect-là : Peser est un verbe, Libération, Masse est un verbe, etc.

Outre la danse, le côté science-fiction du roman est vraiment intéressant. Déjà, on ne suit pas l'histoire du point de vue d'un "professionnel de l'espace" (astronaute, employé de Skyfac, etc.), mais du point de vue d'un danseur/opérateur vidéo inexpérimenté dans tout ce qui concerne ce milieu. Du coup on apprend tout en même temps que lui, même s'il comprend les choses bien plus profondément  que la simple amatrice de SF que je suis. J'avoue avoir été perdue à certains moments, idem quand il décrit tout l'aspect technique du travail qu'il effectue en tant qu'opérateur vidéo (les différentes caméras, les cadrages, etc.) lorsqu'il filme les chorégraphies.
Ces séjours dans l'espace vont changer petit à petit les personnages, qui vont alors développer quelques théories sur l'être humain et l'évolution (y compris l'évolution de l'homme dans l'espace, donc leur propre évolution) assez intéressantes. Je n'en dirais pas plus, car je dévoilerais des éléments assez surprenants de l'histoire, et c'est toujours mieux d'avoir la surprise lors de la lecture. Quoiqu'il en soit, les réflexions philosophiques que nos deux auteurs développent dans ce roman, que ce soit sur la danse ou l'être humain ou autre, sont un plus pour l'histoire. Même si ce n'est pas ce qui m'a le plus captivée.
 
J'ai surtout aimé l'intrigue en elle-même, ce projet fou de créer la danse en gravité zéro, de fonder une école de danse dans l'espace, toutes les difficultés auxquelles les personnages sont confrontés, ainsi que la découverte d'une autre forme de vie. Les relations entre les personnages sont vraiment bien développées, de la détestation (Charles hait Carrington dès le début) à l'amitié la plus forte (l'équipe qui se crée autour de Charles est vraiment très soudée) ou à l'amour le plus complet (quelques couples attachants se forment au cours de l'aventure). J'ai beaucoup apprécié le personnage de Charles, au départ particulièrement cynique et dont l'humour devient de moins en moins noir (mais toujours amusant) au fil de l'histoire. On sent bien, à cette évolution, que son caractère change, que son être même change : il devient heureux, entier, il peut enfin accomplir son rêve, tout en restant lucide. Shara et sa sœur Norrey vont beaucoup apporter à Charles, de manières bien différentes, mais tout aussi essentielles. Je n'ai pas forcément totalement compris Shara, qui est prête à tout risquer pour arriver au point culminant de son art, mais elle reste un personnage très important de l'histoire car c'est elle qui ouvre les portes de l'espace à la danse, et même quand elle est absente, elle reste en quelque sorte omniprésente. J'ai bien plus apprécié Norrey, à laquelle je me suis plus attachée. Contrairement à sa sœur, elle a pu accomplir son rêve de danseuse puis chorégraphe sur Terre, mais à présent que ce rêve est atteint, elle cherche autre chose, et c'est ce que va lui apporter le projet de l'école de danse dans l'espace. En fait, dans ma perception de ces deux sœurs, Shara représente la liberté et l'obsession, tandis que Norrey représente la vie et l'amour.
Les autres membres de l'équipe de Charles sont tout aussi intéressants, pour des raisons diverses, chacun ayant un caractère propre et bien prononcé, chacun ayant des qualifications bien spécifiques, etc. Ils sont tous vraiment différents, pourtant ensemble ils vont former un tout uni et puissant.
Ce que je trouve juste dommage, c'est la barrière de la langue qui m'a parfois empêchée de saisir pleinement l'humour des personnages : certains jeux de mots typiques de la langue anglaise sont intraduisibles en français, même si la traductrice a essayé de nous les expliquer en notes de bas de page.

En bref...
La Danse des étoiles est un roman écrit à quatre mains, par un écrivain de science-fiction et sa femme danseuse et chorégraphe. L'alliance de ces deux univers a permis de créer un livre particulièrement intéressant et original, les personnages tentant de créer un tout nouveau genre de danse : celle en gravité zéro, dans l'espace. Malgré pas mal d'aspects techniques, tant au niveau de la danse que des éléments propres à la SF, qui peuvent complexifier la compréhension du texte (ou tout simplement perdre notre intérêt), l'histoire est prenante et intelligemment menée, les personnages crédibles et attachants, et les réflexions philosophiques qui y sont développées sont assez intrigantes. Un bon roman de science-fiction sur la vie dans l'espace et les changements qu'elle opère sur l'homme, abordé à travers l'univers de la danse.

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