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mercredi 7 avril 2021

Quitter les monts d'Automne - Emilie Querbalec

 

 
Quitter les monts d'Automne est un roman de SF, à la fois planet et space opera, en lice pour le Prix Imaginales des Bibliothécaires 2021. C'est d'ailleurs pour cette raison que je l'ai lu, car je ne me serais pas dirigée de moi-même vers ce livre, le résumé vendant un genre d'histoire qui ne m'attire pas spécialement.

Recueillie par sa grand-mère après la mort de ses parents, la jeune Kaori vit dans les monts d'Automne où elle se destine à être conteuse. Sur Tasai, comme partout dans les mondes du Flux, l'écriture est interdite. Seule la tradition du "Dit" fait vivre la mémoire de l'humanité. Mais le Dit se refuse à Kaori et la jeune fille se voit dirigée vers une carrière de danseuse.
Lorsque sa grand-mère meurt, Kaori hérite d'un rouleau de calligraphie, objet tabou par excellence, dont la seule détention pourrait lui valoir une condamnation à mort. Pour percer les secrets de cet objet, mais aussi le mystère qui entoure la disparition de ses parents, elle devra quitter les monts d'Automne et rejoindre la capitale.
Sa quête de vérité la mènera encore plus loin, très loin de chez elle.
Débutant comme un roman initiatique d'inspiration japonaise, Quitter les monts d'Automne s'impose vite comme un récit d'aventure qui frappe d'abord par sa beauté et sa poésie, puis par sa cruauté et son érotisme subtil. 
 
Les histoires qui se déroulent dans des sociétés style Japon ancien (ou en tout cas avec ce genre de coutumes) ne m'intéressent pas vraiment, en général. À part le film Mémoire d'une geisha, que j'ai adoré, ce n'est pas trop mon truc. Je ne saurais dire pourquoi, c'est comme ça, c'est tout. Du coup j'ai eu beaucoup de mal à m'intéresser à l'histoire de Kaori, au début du moins, car la première partie (environ 90 pages) est vraiment centrée sur son quotidien chez sa grand-mère puis dans la troupe de danseurs/conteurs qui l'a "adoptée" après la mort de cette dernière. C'est un peu comme si on suivait la vie plutôt banale d'une fille vivant dans la campagne japonaise, ce qui m'a quelque peu ennuyée, d'autant plus que j'ai trouvé Kaori un peu trop impatiente et égoïste à mon goût. Elle désespère de ne pas avoir été touchée par le Dit, ce qui la prive du titre prestigieux de Conteuse et la destine à n'être qu'une simple danseuse. Et dès qu'elle grimpe dans la hiérarchie de la troupe, passant de simple apprentie à danseuse officielle, elle délaisse (et dédaigne) totalement son amie, qui ne fait en quelque sorte plus partie de la même classe sociale.
Ce n'est qu'à partir de la deuxième partie, lorsque son voyage commence vraiment, qu'elle quitte les monts d'Automne pour se rendre à la capitale, que j'ai commencé à m'intéresser à l'histoire. Elle y fera des rencontres riches et intéressantes, mais sa naïveté de fille de la campagne au milieu de cette grande ville va lui valoir de sérieux problèmes.

Ce qui m'a vraiment plu dans ce roman, c'est l'univers créé par l'autrice. Certes, j'ai dit que ce monde grandement inspiré du Japon ne m'a pas vraiment attirée, mais c'est surtout l'aspect SF qui m'a intéressée. À Tasai, la technologie est très peu évoluée, voire archaïque, et très peu présente : seul un certain groupe d'hommes, nommés les Moines Palanke, sorte de police redoutée au service du Flux, sont habilités à utiliser une technologie plus évoluée. Tasai est donc avant tout décrit par ses paysages, ses villes et ses mœurs qui font très Japon ancien, et le côté SF n'est alors qu'une toile de fond.
Mais tout bascule lorsque Kaori part découvrir le secret du rouleau de calligraphie hérité de sa grand-mère. Car au-delà de la capitale, la jeune fille va devoir tout bonnement quitter le continent, puis sa planète. Nous passons alors à un univers totalement différent, pour le coup complètement SF : Kaori découvre une technologie très évoluée et omniprésente, notamment avec les vaisseaux spatiaux, les IA et robots, etc. Ce changement de décor, particulièrement important, crée une coupure nette avec le début de l'histoire, à l'image de notre héroïne qui va devoir se couper de sa vie passée si elle veut pouvoir avancer vers la vérité.

Malgré cela j'ai pas mal oscillé entre intérêt et ennui durant cette lecture, car le récit est très inégal. Il y a des passages que j'ai suivis avec plaisir, et d'autres où j'ai été totalement déconnectée. Du coup j'ai eu beaucoup de mal à avancer dans ma lecture, car je n'avais jamais vraiment hâte de prendre le livre pour lire la suite. Même tous ces secrets autour du rouleau de calligraphie ne m'ont pas suffisamment motivée. Je suis allée jusqu'au bout, mais avec pas mal de difficultés à focaliser toute mon attention sur l'histoire.
Kaori fait le voyage avec trois personnages, qui ont pour mission de la conduire auprès d'une personne très intéressée par son rouleau, et que j'ai beaucoup aimés : Aymelin, une femme libre et forte qui intimide et attire grandement notre héroïne ; Ekisei, un homme aux multiples ressources mais au caractère assez versatile ; Vif-Argent, l'IA du vaisseau d'Aymelin envers laquelle il se montre particulièrement loyal et possessif, un être trop honnête et un brin manipulateur. Les personnages sont bien travaillés, mais j'ai trouvé que leurs relations et comportements changeaient parfois de manière trop soudaine, me donnant ainsi l'impression d'avoir sauté des pages.
L'évolution de Kaori est parfois tout aussi brutale et incohérente avec le temps passé dans le récit. Je m'explique : certains trajets spatiaux nécessitent plusieurs années, voire plusieurs siècles, et les personnages sont alors mis en stase durant ces voyages. Kaori n'est pas censée prendre en compte ces années de stase dans son temps de vie, pourtant à certains moments elle donne l'impression d'avoir vécu plus d'années.
 
En revanche, toute la mise en place de l'univers, avec cette histoire de Flux, l'interdit de l'écrit versus le sacré de l'oralité, ainsi que toutes les vérités que va découvrir Kaori sur son monde, etc., sont d'une grande cohérence. Toutes les questions que je me suis posées au cours du récit ont trouvé une réponse, chose grandement appréciable. Pour moi, ce qui ressort vraiment de tout cela, c'est l'importance de la mémoire et du langage (à travers l'écrit, la parole, la danse...). Je ne peux pas trop en dire sans dévoiler des éléments importants, mais quoiqu'il en soit, cet aspect du roman m'a pas mal intéressée. Et ce d'autant plus que la plume de l'autrice, agréablement fluide et poétique, sensuelle, sert bien cela.
Je reste toutefois mitigée sur la fin : d'un côté cela me convient ainsi (c'est cohérent, on a une fin plutôt intéressante), mais d'un autre je reste tout de même un peu frustrée.


En bref...
Quitter les monts d'Automne est un roman assez déroutant, qui fait se confronter deux univers totalement différents, l'un grandement inspiré du Japon ancien, l'autre totalement futuriste. D'une plume fluide et poétique, Emilie Querbalec met en avant l'importance de la mémoire et du langage sous toutes ses formes, pour nous mener vers des révélations somme toute intéressantes et, surtout, cohérentes. Malheureusement le récit est trop inégal, rendant l'immersion particulièrement difficile.
Je suis donc assez mitigée sur cette lecture, mais je suis curieuse de découvrir quel univers nous fera découvrir l'autrice dans son prochain roman.

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