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samedi 13 novembre 2021

L'Héritier du Dalaras - L.R. Roy

 

 
J'ai reçu ce livre via l'opération Masse critique "Mauvais genre", et remercie donc Babelio et les Éditions Sharon Kena de m'avoir permis de le découvrir. Si je l'ai choisi, c'est avant tout parce qu'il se trouve dans la sélection du Prix Livraddict 2021, catégorie Fantasy. L'Héritier du Dalaras est un one-shot de fantasy épique auquel je n'ai malheureusement pas accroché, notamment pour son désagréable goût de réchauffé. Je vais donc pas mal critiquer, comme chaque fois qu'un livre me déçoit, mais tout ce qui va suivre n'est que mon avis personnel.

Déjà, le résumé éditeur qui m'a eu l'air assez peu pertinent :
Les légions de l'empereur Arthas avaient attaqué Nirader, petite ville frontalière sans prétention, où était cependant dissimulé un trésor au pouvoir infini.
Pour protéger cet objet sacré, Aléane ne pouvait s'appuyer que sur son courage et la magie. Depuis toujours, elle s'était entrainée pour affronter le pire et aujourd'hui elle était prête à tous les sacrifices. Ni peur ni doute n'effleuraient son âme. Mais c'était sans compter sur cet inconnu farouchement rationnel que le destin avait décidé de mettre sur sa route... et qui venait de lui sauver la vie...

Si je critique ce résumé, c'est parce qu'au final il ne donne aucune véritable information, à part qu'une femme est prête à protéger un objet sacré et qu'elle va rencontrer un homme dont elle va probablement tomber amoureuse. Si je vous résume l'histoire autrement, en mettant cette romance de côté, vous comprendrez l'aspect réchauffé du roman.
C'est un objet de pouvoir, qui a autrefois causé la guerre des peuples (nains, elfes, humains, hasgorn, etc.), puis a été caché. Dans le temps présent de l'histoire, le peuple perdant parvient à s'emparer de l'objet afin de s'en servir pour régner sur tous les autres peuples. Les protecteurs de l'objet se rendent dans la demeure du roi des Elfes, où se forme alors un groupe (deux elfes, un nain, des humains dont un descendant d'un roi qui avait participé à la guerre des peuples, un magicien qui ne vieillit pas...) qui va partir en quête : récupérer l'objet sacré et le détruire.
Comment vous dire que, au fil de ma lecture, j'ai de plus en plus pensé au Seigneur des Anneaux ? Et lorsque les personnages prennent un raccourci à travers des mines abandonnées appartenant autrefois au peuple Nain, poursuivis par une horde de gnomes... j'ai tellement levé les yeux au ciel que j'ai cru que j'allais rester coincée.
Au départ, quand je ne notais que quelques éléments similaires, je me suis dit que l'auteur voulait faire un petit clin d’œil à l’œuvre de Tolkien. Mais au final, c'est carrément un gros câlin. Si au moins l'auteur l'avait ouvertement présenté comme une inspiration, ça aurait pu passer, mais non. En fait ça ressemble plus à une œuvre de fan-fiction qu'à une œuvre originale, une histoire écrite par un fan de Tolkien ou de RPG comme World of Warcraft. J'ai d'ailleurs fait quelques recherches, et il s'avère effectivement que l'auteur est un ancien joueur de WOW (sacré coïncidence !)

À part cette grosse inspiration tolkienienne, ce que je reproche à l'auteur, c'est un cruel manque de développement, autant de son univers que de ses personnages.
J'ai lu des avis sur ce livre qui parlent d'un univers bien construit. Alors je me suis demandée, où est donc cette construction ? Parce qu'à part quelques noms de villes, où se rendent les personnages, on n'a aucune véritable information (géographie, politique, coutumes...). Les différents peuples (nains, elfes, gnomes, etc.) ne sont quasiment pas décrits dans leur apparence. Le roi des nains qui fait partie du groupe : il est petit et a une barbe (comme, dirions-nous... la quasi-totalité des nains ?) ; les elfes ont de grandes oreilles ; les gnomes ont la peau verte. Voilà, c'est tout. Et quant aux coutumes, lois, de chacun des peuples, nous n'avons aucune information. L'auteur semble partir du principe que nous connaissons déjà tout cela : sommes-nous censés nous référer à l’œuvre de Tolkien pour en découvrir plus ? Car selon les œuvres de fantasy, tous les elfes ne sont pas les mêmes, par exemple.
Et j'ai d'ailleurs une question : qu'est-ce qu'un hasgorn ? Arthas est l'empereur du peuple Hasgorn. Au départ, je pensais simplement que c'était le nom d'un peuple humain (comme pour nous avec les Anglais, les Français, etc.). Mais ils parlent des Humains comme d'un peuple différent, et la seule description qu'on a de ces Hasgorn est qu'ils semblent grands et très musclés. Du coup j'ai mis du temps à capter que ce n'étaient apparemment pas des Humains, sans pour autant pouvoir mettre une image claire dessus, alors que c'est tout de même l'ennemi principal de l'histoire...

Quant aux personnages, je n'ai pas réussi à m'y attacher. Premièrement, ils sont très peu décrits physiquement : on connaît la couleur de leurs yeux et cheveux, et c'est tout pour la plupart. Ensuite, ils m'ont parus bien trop clichés : le nain qui pique des crises et se retrouve sans arrêt dans des situations ridicules ; le descendant de roi (Silias Varamir, le fameux héritier du Dalaras) qui trouve des solutions à tout et au courage inébranlable... Je ne vais pas tous les décrire, mais on reste très en surface, l'auteur n'approfondit pas leurs caractères, et c'est dommage parce qu'ils auraient pu être vraiment intéressants.
À part Aléane qui m'a grandement exaspérée avec son hypocrisie et sa culpabilité mal placée. Franchement, elle s'est entraînée au combat des années, mais dès qu'elle tue un ennemi pour se protéger elle culpabilise (soit très souvent dans le récit) ; pourtant, au moment où elle a l'occasion de mettre définitivement fin à tous ces massacres, elle fait passer ses intérêts personnels avant et condamne donc tout le monde à une terrible guerre...
D'ailleurs la romance entre Aléane et Silias m'a parue bien fade et mal amenée, mise en avant dans des moments peu appropriés. Je ne l'ai pas du tout trouvée crédible. En fait, l'amour qui naît entre la sorcière Cassandra et le commandant Beïssel m'a davantage intéressée et m'a semblé plus réaliste, authentique : elle s'installe en douceur, ne prend pas le pas sur le reste.
Cassandra est d'ailleurs un personnage que j'ai trouvé assez intéressant, bien moins cliché que les autres, dommage qu'elle n'ait pas été davantage mise en avant.

Si je me suis peu attachée au récit, c'est également à cause du style de l'auteur, une écriture certes fluide mais qui se veut maîtrisée alors qu'elle ne l'est pas du tout. Cela crée une certaine distance entre le lecteur et les personnages, je n'ai pu ressentir aucune émotion transparaître de cet récit, bourré de phrases toutes faites parfois bien mal formulées. J'ai trouvé pas mal de maladresses qui m'ont dérangée dans ma lecture. Quelques exemples (oui, oui, c'est le moment où je fais ma littéraire) : "espérons que le balade en soit de même" (incorrect, on dirait plutôt : espérons qu'il en soit de même pour la balade) ; "[il] les dévisagea avec violence" (la violence n'est pas une émotion, hein, à la limite on peut dévisager avec colère, mais violence... je n'ai jamais vu ça) ; encore un dernier : "ses yeux se précipitèrent" (alors non, des yeux ne peuvent pas se précipiter vers quelque chose, c'est techniquement impossible). Et un petit conseil à ceux qui aiment bien utiliser des synonymes (moi-même j'en cherche souvent pour ne pas répéter sans cesse les mêmes mots) : ce n'est pas parce qu'un mot est synonyme d'un autre qu'il peut s'utiliser de la même manière.

Il n'y a pas que des défauts dans ce livre (heureusement), et j'ai trouvé que la partie épique du roman était plutôt entraînante. Franchement, l'auteur met tout son talent de description dans les scènes d'actions, c'est dommage qu'il ne s'en serve pas également pour développer ses personnages et son univers. Je ne cache donc pas que j'étais assez facilement happée par ces scènes d'action. Mais, parce que malheureusement rien n'est jamais parfait, il y a deux points qui m'ont dérangée.
Premièrement, trop d'épique tue l'épique. Il y a un grand déséquilibre dans le récit, l'action prenant le pas de manière disproportionnée sur les moments plus calmes qui auraient permis de développer la psychologie des personnages ainsi que les relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres.
Deuxièmement, l'omniscience du narrateur qui crée une certaine lourdeur. Je n'ai rien contre un narrateur omniscient (narrateur qui voit tout et connaît donc les points de vue de tous les personnages), à condition qu'il soit géré correctement. Ce qui n'est pas le cas ici, car non seulement cela n'aide pas à développer la psychologie des personnages, mais en plus cela alourdit certaines scènes d'action, alors découpées en multiples points de vue. Je m'explique : on a un combat qui implique plusieurs personnages A, B, C, D et E ; on arrive à un certain événement P montré du point de vue du personnage A ; et l'auteur va alors se focaliser sur B, revenir en arrière pour décrire ce que B avait vu, avait pensé, avait alors fait, pour arriver au moment P ; puis l'auteur fait la même chose pour les personnages C, D et E. En fait, l'auteur cherche un peu trop à expliquer les tenants et aboutissants d'une action, d'une émotion, etc. Il crée trop de retours en arrière pour expliquer une situation actuelle (je dois avouer qu'à ces moments-là, me venait en tête le personnage de Luis dans les films Ant-Man, l'humour en moins). Si au moins il n'avait fait cela qu'une ou deux fois, mais non, il utilise ce procédé bien trop souvent, ce qui coup totalement la lecture et crée une certaine lourdeur.

Dernier point : la fin. J'ai bien aimé la fin. Hé oui ! Si la majeure partie de ce livre a été pour moi source d'exaspération, la fin m'a agréablement surprise.
Alors là, attention, je spoile ! Si vous ne voulez pas savoir, ne lisez pas ce paragraphe (je le mets d'une autre couleur pour bien le différencier du reste) :
Ce que j'ai apprécié dans cette fin, c'est que ce ne sont pas les alliés qui gagnent la guerre, mais l'empereur Arthas, c'est-à-dire l'ennemi. C'est une fin on ne peut plus réaliste, étant donné la taille de son armée : pas de solution miracle chez les "gentils" pour retourner la situation. Bon après, ce n'est pas une fin du style "le méchant gagne" puisque Arthas n'est en fait pas un vrai vilain (il était manipulé par une vilaine sorcière) et qu'il annonce la création d'un Empire unique dont les différents peuples formeront des provinces et pourront garder leurs coutumes (bon là j'ai ri : quelles coutumes ? l'auteur n'en a décrit aucune !).
Donc une fin qui sort un peu des sentiers battus et qui me fait dire que, s'il pouvait se libérer de ses inspirations tolkieniennes et warcarftiennes, l'auteur pourrait écrire des histoires bien plus originales et intéressantes. Bon, à condition de corriger les autres gros défauts également.


En bref...
L'Hétirier du Dalaras est un roman de fantasy épique qui manque cruellement d'originalité, L.R. Roy s'étant beaucoup trop inspiré des univers de Tolkien et de Wolrd of Warcraft. Probablement à cause de cela, aucun effort n'a été fait au niveau de la construction de l'univers : l'aspect géopolitique ainsi que les coutumes des différents peuples (elfes, nains, humains, gnomes, sorcières, hasgorns...) sont quasiment, pour ne pas dire totalement, absents du récit. À cela s'ajoute un énorme déséquilibre entre de nombreux moments d'action fortement détaillés et des moments plus calmes trop courts et trop peu présents qui auraient pourtant permis de développer correctement la psychologie des personnages, auxquels il est bien difficile, voire impossible, de s'attacher.
Une grosse déception pour moi, donc, ce qui est d'autant plus dommage que la fin, qui sort un peu des sentiers battus, laisse entrevoir de bonnes capacités d'invention (à condition de se libérer du carcan tolkiennien).

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